Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/436

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uns ni les autres ne comprenaient ce qu’il voulait et il n’avait qu’à se garder d’eux avec la prudence du serpent.

Mais s’il ne fut ni factieux, ni démagogue, ni révolutionnaire, il fut d’autant plus — et chacun des premiers chrétiens avec lui — un révolté qui s’élevait au-dessus de tout ce que ses contradicteurs et le gouvernement considéraient comme supérieur, se dégageait de tous les liens auxquels ceux-ci demeuraient enchaînés, détournait sourdement les sources de vie du monde païen tout entier et préparait ainsi la disparition de l’État existant. C’est précisément parce qu’il refusa de renverser l’ordre établi qu’il en fut l’ennemi héréditaire et le réel destructeur, car tranquillement et impitoyablement il édifia au-dessus de lui son temple et l’emmura sans prêter l’oreille aux gémissements de l’emmuré.

En sera-t-il maintenant du monde chrétien comme il en advint du monde païen ? Une révolution n’amène certes pas la fin s’il n’y a eu au préalable une révolte !

À quoi tend mon commerce avec le monde ? Je veux jouir du monde parce qu’il est ma propriété, et c’est pourquoi je veux le gagner. Je ne veux pas la liberté, l’égalité des hommes ; je veux seulement avoir mon pouvoir sur eux, je veux en faire ma propriété, c’est-à-dire je veux les faire tels que je puisse en jouir. Et si la chose ne me réussit pas, je m’attribue alors le pouvoir de vie et de mort que l’Église et l’État se réservaient, je le nomme mien. Stigmatisez cette veuve d’officier qui dans la retraite de Russie, ayant eu la jambe fracassée d’un coup de feu, en arracha la jarretière, s’en sert pour étrangler son enfant et se laisse mourir à côté du cadavre, flétrissez la mémoire de cette mère infanticide. Qui sait ce que « le monde aurait pu tirer » de cet