Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/484

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ainsi que des manifestations des choses, tu n’as en vue que de te les adapter, assimiler et approprier, tu ne veux que les réduire en ta puissance, devenir leur propriétaire, tu veux l’orienter en elles et t’y savoir chez toi ; et tu les trouves vraies, tu les vois dans leur vrai jour quand elles ne peuvent plus t’échapper, qu’elles ne peuvent plus occuper une position inexpugnable, enfin qu’elles te conviennent, qu’elles sont ta propriété. Si chemin faisant elles deviennent plus lourdes à porter, si elles échappent de nouveau à ton pouvoir, cela tient à leur non-vérité, c’est-à-dire à ton impuissance. Ton impuissance est leur puissance, ton humilité leur hauteur. Ainsi tu es leur vérité, ou bien si c’est le néant que tu es pour elles et dans lesquelles elles s’écoulent, leur vérité est leur néant.

C’est seulement comme propriété du moi que les esprits, les vérités parviennent au repos, et c’est seulement alors qu’ils sont réellement, quand ils sont délivrés de leurs tristes existences et deviennent ma propriété, quand on ne dit plus : la vérité se développe, se fait valoir, domine, l’histoire (encore un concept) triomphe, etc. Jamais la vérité n’a vaincu, mais constamment elle ne fut que mon moyen de vaincre, semblable au glaive (« le glaive de la vérité »). Toute vérité en soi est chose morte, un cadavre ; elle n’est vivante que de la même façon que mes poumons sont vivants, en proportion de ma propre activité vitale. Les vérités sont des matériaux, comme le blé ou l’ivraie ; sont-elles blé ou ivraie, à moi d’en décider.

Les objets ne sont pour moi que des matériaux que j’emploie. Où j’étends la main, je saisis une vérité que je m’attribue. La vérité est pour moi chose sûre et je n’ai pas besoin de languir après elle. La ser-