Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/84

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sance illimitée des princes, etc.), les gens éclairés poussent eux-mêmes l’attaque et seuls les Vieux-croyants se lamentent. Attaquez-vous à la vérité elle-même, vous aurez contre vous les uns et les autres comme croyants. Ainsi en est-il avec les mœurs : les croyants étroits sont sans indulgence, les têtes plus claires sont plus tolérantes. Mais qui s’attaque à la morale même a affaire aux deux. « Vérité, Morale, Droit, Lumière, » etc., doivent être et demeurer sacrés. Ce que l’on trouve à blâmer dans le christianisme doit être non-chrétien au regard de ces éclairés, mais le Christianisme demeure au-dessus de toutes les attaques, y toucher est un sacrilège, une « profanation ». D’ailleurs si l’hérésie quant à la foi pure n’a plus à craindre les furieuses persécutions d’autrefois, l’hérésie en matière de pure morale y est d’autant plus exposée.




Depuis un siècle la piété a subi de telles atteintes, elle a dû si souvent entendre traiter son essence surhumaine d’« inhumaine » qu’on ne se sent guère tenté de se mesurer une fois de plus avec elle. Et pourtant, presque toujours ses adversaires moraux n’ont apparu sur le terrain que pour combattre l’Être Suprême au profit d’un autre Être Suprême. Ainsi Proudhon a dit effrontément[1] : « L’homme est fait pour vivre sans religion, mais la loi morale est éternelle et absolue, qui oserait aujourd’hui attaquer la morale ? » Les gens moraux ont pris à la religion sa moelle, ils l’ont absorbée, et n’ont plus maintenant d’autre souci que de se

  1. De la Création de l’Ordre, etc., p. 36.