Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/88

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auxquels ils enlevèrent le privilège de l’élévation vers Dieu, mais ils conquirent aussi à la religion, à la liberté d’esprit, un terrain plus vaste encore. Car si l’esprit n’est plus limité au sentiment ou à la foi, mais en tant qu’intelligence, raison, pensée, s’appartient à soi-même esprit, et ainsi sous forme d’intelligence, raison, etc., peut participer aux vérités spirituelles et célestes, tout l’esprit n’est alors occupé que du spirituel, c’est-à-dire que de soi-même et par conséquent est libre. Nous sommes tellement religieux aujourd’hui que des « jurés » peuvent nous condamner à mort et que tout agent, en vertu du « serment » qu’il a prêté en bon chrétien, peut nous mettre au « violon ».

Ce n’est qu’à partir du moment où les haines furieuses se déchaînèrent contre tout ce qui paraissait ressembler à un ordre (ordonnances, commandements, etc.), où le pouvoir absolu et personnel fut persiflé et poursuivi, que la morale put apparaître en opposition à la religion. En conséquence, elle dut pour arriver à l’indépendance passer par le libéralisme, dont la première forme, le « régime bourgeois » acquit une importance universelle et affaiblit les puissances religieuses proprement dites (voir plus loin « Libéralisme »). Car le principe de la morale qui n’est pas seulement un accessoire de la piété mais se tient avec elle sur un pied d’égalité, ne réside plus dans les commandements divins, mais dans la loi de raison, et si ces commandements doivent conserver encore quelque validité, c’est d’elle seule qu’ils doivent en attendre la sanction. Dans la loi de raison, l’homme se détermine de soi-même car « l’Homme » est raisonnable et c’est de « l’essence de l’homme » que découlent nécessairement ces lois. La piété et la morale se distinguent en ceci que l’une prend Dieu, l’autre l’Homme comme législateur.