Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/132

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des témoins oculaires, ou du moins par des gens qui, d’une part, ont été, en raison de leurs rapports avec des témoins oculaires, en état de raconter la vérité, et, d’autre part, ont une probité si manifeste, qu’il ne peut rester aucun doute sur leur intention de la dire. » Cet argument serait en effet décisif, s’il était prouvé que l’histoire biblique a été écrite par des témoins oculaires, ou du moins par des hommes voisins des événements. Car, bien qu’il puisse s’introduire, par le fait de témoins oculaires même, des erreurs, et, par conséquent, de faux rapports, néanmoins la possibilité d’erreurs non préméditées (la tromperie préméditée se fait, du reste, reconnaître facilement) est circonscrite dans de bien plus étroites limites que lorsque le narrateur, séparé des événements par un plus long intervalle, en est réduit à tenir ses renseignements de la bouche des autres.

Prétendre que les écrivains bibliques ont été témoins oculaires ou voisins des événements par eux racontés, ce n’est encore qu’un préjugé causé tout d’abord par les titres que les livres bibliques portent dans notre canon. En tête des livres qui racontent la sortie des Israélites hors de l’Égypte et leur marche dans le désert, est placé le nom de Moïse : ce personnage a été leur chef dans cette entreprise ; donc, s’il n’a pas voulu mentir sciemment, il a dû donner une vraie histoire de ces événements, et, si ses rapports avec la divinité ont été tels qu’ils sont décrits dans ces livres, il a été, par cela même, en état de reproduire, avec toute créance, l’histoire antérieure. De même, parmi les documents sur la vie et le sort de Jésus, deux sont revêtus des noms de Matthieu et de Jean ; or, ces deux hommes ayant été, presque depuis le commencement jusqu’à la fin, témoins des actes publics de leur maître, ont pu en rédiger des relations les plus dignes de foi ; de plus ils ont, d’une part, vécu dans l’intimité avec Jésus et avec sa mère ; d’une autre part, ils ont eu un secours surnaturel que, d’après le