Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/220

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de Joseph le premier-né ; or, si cette généalogie était celle de Joseph d’après la nature, elle ne l’était pas d’après la loi juive[1]. Mais, sans parler de ce qui sera prouvé plus bas, que la généalogie dans Luc peut difficilement être considérée comme l’œuvre de l’auteur de l’évangile, et qu’ainsi rien n’est à conclure, pour expliquer l’arbre généalogique, de sa moindre connaissance des usages juifs, le généalogiste, dans le premier évangile, n’aurait pas écrit, sans aucune addition, son verbe engendra, ἐγέννησε, s’il n’avait songé qu’à une paternité légale. Ainsi, à cet égard, une des généalogies n’a aucun avantage sur l’autre.

Jusqu’ici nous n’avons fait que tracer les traits généraux de cette hypothèse ; il faut maintenant l’examiner de plus près pour juger si elle est admissible. Supposons un mariage du frère du défunt avec sa veuve, l’examen et le résultat resteront absolument les mêmes, soit que nous empruntions à Matthieu, avec saint Augustin et Julius Africanus, l’indication du père naturel, soit que nous l’empruntions à Luc avec Schleiermacher. Nous allons donc, par exemple, en suivre les conséquences selon la première forme, d’autant plus qu’Eusèbe, d’après Julius Africanus, nous a laissé là-dessus une explication très exacte. D’après cette manière de voir, la mère de Joseph fut d’abord mariée avec l’homme que Luc nomme comme le père de Joseph, avec Éli ; Éli étant mort sans enfant, son frère, c’est-à-dire Jacob, nommé par Matthieu comme le père de Joseph, épousa la veuve suivant la loi juive dont il a déjà été question, et engendra avec elle Joseph. Alors Joseph fut considéré légalement comme le fils de défunt Éli, ainsi que le dit Luc, tandis que, naturellement, il était le fils de son frère Jacob, et c’est la filiation que Matthieu a suivie.

Mais, conduite jusque-là seulement, l’hypothèse serait

  1. Ueber den Lukas, S. 53. Comparez Winer, Bibl. Realwörterbuch, 1. Bd., S. 660.