Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/252

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En conséquence, nous n’hésiterons pas, touchant la prophétie dont il est ici question, à accorder que les évangélistes en ont forcé le sens en l’appliquant à Jésus. Maintenant ont-ils fait cette application parce que Jésus naquit réellement d’une vierge ? ou bien cette prophétie, appliquée avant eux au Messie, est-elle ce qui les a conduits à admettre que Jésus était né de cette façon miraculeuse ? Cette alternative ne peut se décider que par la discussion suivante.


§ XXVI.


Jésus engendré par le Saint-Esprit. Critique de l’opinion orthodoxe.

Ce que les deux évangélistes, Matthieu et Luc, racontent du mode de la conception de Jésus a été, de tout temps, interprété par les commentateurs ecclésiastiques ainsi qu’il suit : Jésus a été engendré en Marie par une opération divine qui a remplacé le concours d’un homme. Et véritablement cette explication a, pour elle, la première apparence des textes ; en effet, les paroles de Matthieu, avant qu’ils eussent de rapport ensemble, πρὶν ἢ συνελθεῖν αὐτούς, 1, 18, et celle de Luc, puisque je ne connais pas d’homme, ἐπεὶ ἄνδρα οὐ γινώσκω, 1, 34, ces deux passages, dis-je, excluent la participation de Joseph et même de tout homme à l’engendrement de l’enfant dont il est ici question. À la vérité, esprit saint, πνεῦμα ἅγιον, et vertu du Très-Haut, δύναμις ὑψίστου, ne signifient pas le Saint-Esprit, dans le sens de l’Église, comme troisième personne de la Trinité ; mais d’après l’usage que fait l’Ancien Testament de la locution רוח אלהיס, spiritus Dei, ils signifient Dieu, en tant qu’il agit sur le monde, et nommément sur l’homme. Enfin les expressions de Matthieu, étant enceinte par la vertu de l’Esprit-Saint, ἐν γαστρὶ ἔχουσα ἐκ πνεύματος ἁγίου, et celle de Luc, ombrager, ἐπέρχεσθαι, ἐπισκιάζειν, mettent assez clairement, à la place de l’action fécondante de l’homme,