Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/262

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Les pères de l’Église parlent, on le sait, de deux espèces d’Ébionites, dont les uns, à côté de principes sévères sur l’obligation de suivre la loi mosaïque, tenaient Jésus pour le fils, naturellement engendré, de Joseph et de Marie, et les autres, nommés aussitôt Nazaréens, adoptaient, avec l’Église orthodoxe, une génération par le Saint-Esprit[1]. Les plus anciens pères de l’Église, comme Justin martyr, Irénée, ne connaissent que ces Ébionites qui regardaient Jésus pour un homme engendré naturellement et doué seulement, lors du baptême, de forces supérieures[2]. Au contraire, dans Épiphane et dans les Homélies Clémentines, nous rencontrons des Ébionites qui ont reçu en eux un élément gnostique. On a attribué cette direction, qui, d’après Épiphane provient d’un certain Elxai, à l’influence de l’Essénisme[3], et l’on en a déjà remarqué des traces chez les docteurs de mensonge de la Lettre aux Colosses[4] ; au lieu que la première classe des Ébionites était manifestement sortie du judaïsme ordinaire. Laquelle de ces deux tendances est antérieure, et laquelle postérieure, c’est ce qu’il n’est pas facile de déterminer. Vu la différence signalée en dernier lieu, les Ébionites gnostiques étant mentionnés pour la première fois par les Clémentines et Épiphane, et les autres l’étant déjà par Justin et Irénée, on pourrait considérer ces derniers comme les plus anciens. Mais Tertullien a connaissance d’une christologie gnostique des Ébionites[5], et dès le temps de Jésus le germe de telles opinions se trouvait dans l’essénisme. En conséquence, ce qui paraît le plus sûr, c’est de prendre les deux tendances comme contemporaines

  1. Orig., l. c.
  2. Comp. Neander, K. G., 1, 2, S. 615.
  3. Credner, Sur les Esséniens, les Ébionites et un rapport partiel entre eux, dans Winer’s Zeitschrift für wissenschaftliche Theologie, 1. Bd., 2tes und 3tes Heft. Comp. Bauer, dans son Propramme, De Ebionitarum origine et doctrina ab Essenis repetenda. Comparez Christl. Gnosis, S. 403.
  4. Neander, l. c., S. 620.
  5. De carne Christi, 14 : Poterit hæc opinio Hebioni convenire, qui nudum hominem, et tantum ex semine David, id est, non et Dei filium, constituit Jesum, ut in illo angelum fuisse edicat.