Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/346

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mais d’une façon générale contre une classe d’enfants, dans le cas de Moïse contre tous les enfants mâles nouveau-nés ; dans le cas de Jésus contre tous les enfants de deux, ans et au-dessous. À la vérité, d’après l’Exode, l’arrêt de mort prononcé ne s’adresse pas directement à Moïse, dont le Pharaon ne soupçonne pas la naissance, et qui ne se trouve qu’accidentellement mis en danger par cet ordre ; mais la tradition qui se forma au sein du peuple hébreu ne jugea pas que l’intention fut assez marquée, et en conséquence elle reçut, dès le temps de l’historien Josèphe, une tournure qui la rendit beaucoup plus semblable aux légendes de Cyrus et d’Auguste, et par conséquent au récit de Matthieu. Il y est dit, en effet, que le Pharaon fut déterminé à ordonner la mort de tous les enfants mâles par une communication de ses hiérogrammates[1], qui lui annoncèrent la naissance d’un enfant destiné à humilier les Égyptiens et à élever les Israélites. Les hiérogrammates jouent ici le même rôle que les interprètes des songes dans Hérodote, et les astrologues dans Matthieu. La légende ne tarda pas à imaginer que le père de la nation avait été, dès les premiers moments de sa naissance, mis, comme son législateur, en péril par les projets meurtriers d’un tyran soupçonneux. Pharaon avait joué à l’égard de Moïse le rôle d’ennemi et d’oppresseur ; on attribua à Nemrod un pareil rôle à l’égard d’Abraham ; les sages chaldéens, dont l’attention fut éveillée par une étoile remarquable, déclarèrent au prince babylonien qu’il était né de Tharé un fils d’où devait sortir un peuple puissant ; et, sur cette déclaration, Nemrod prononce un arrêt de mort auquel Abraham échappe heureusement[2]. Qu’y

  1. Joseph., Antiq., 2, 9, 2 : Τῶν ἱερογραμματέων τις… ἀγγέλλει τῷ βασιλεῖ, τεχθήσεσθαί τινα κατ’ ἐκεῖνον τὸν καιρὸν τοῖς Ἰσραηλίταις, ὃς ταπεινώσει μὲν τὴν Αἰγυπτίων ἡγεμονίαν, αὐξήσει δὲ τοὺς Ἰσραηλίτας τραφεὶς, ἀρετῇ δὲ πάντας ὑπερϐαλεῖ, καὶ δόξαν ἀείμνηστον κτήσεται. Δείσας δὲ ὁ βασιλεύς, κατὰ γνώμην τὴν ἐκείνου κελεύει πᾶν τὸ γεννηθὲν ἄρσεν ὑπὸ τῶν Ἰσραηλιτῶν εἰς τὸν ποταμὸν ῥιπτοῦντας διαφθείρειν.
  2. Jalkut Rubeni (continuation du passage cité page 290, n. 1) : Dixerunt sapientes Nemrodi : Natus est Tharæ