Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/356

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de l’apôtre) n’a eu connaissance des particularités exposées par Luc ; Neander se trouve forcé d’en convenir ; mais il ne s’ensuit pas, ajoute-t-il, que les événements contenus dans les deux récits ne soient pas réellement arrivés[1]. Par cette tournure, on échappe, il est vrai, aux difficultés qui sont dans le texte des évangélistes, mais on n’échappe pas à celles qui sont dans les choses mêmes. L’auteur du premier évangile raconte la naissance de Jésus, la visite des mages et la fuite, comme s’il n’y avait eu, dans l’intervalle, aucun changement de lieu ; l’auteur du troisième évangile fait aller les parents de Jésus à Nazareth immédiatement après la présentation dans le Temple. Dans ces deux ordres de faits, on ne peut pas arguer de l’un des évangélistes contre l’autre, car il n’est pas permis de soutenir que des faits ne sont pas arrivés parce que des narrateurs éloignés ne les ont pas connus ; mais, en prenant ces récits d’un autre point de vue, on trouve qu’il est invraisemblable qu’après la scène dans le Temple, la naissance de l’enfant messianique ait été aussi absolument ignorée à Jérusalem que le suppose la conduite d’Hérode lors de l’arrivée des mages ; qu’il n’est pas croyable (si l’on renverse l’ordre des événements) que le ciel eût permis à Joseph de se rendre à Jérusalem avec l’enfant qu’Hérode cherchait tout à l’heure à faire égorger ; qu’il est inconcevable enfin que les parents de Jésus, après la présentation dans le Temple, soient retournés à Bethléem (ce dont il sera parlé plus tard). Toutes ces difficultés, qui sont inhérentes à la chose même, et qui ne sont pas moindres que les difficultés inhérentes au texte, subsistent dans cette explication et en démontrent l’insuffisance.

Nous en restons donc au dilemme posé plus haut. S’il nous fallait opter, nous ne pourrions, en aucun cas, au point où nous sommes arrivés dans notre recherche, nous décider pour le récit de Matthieu contre celui de Luc ; et, ayant

  1. Neander, L. J. Ch., S. 33, Anmerk.