Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/429

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cation à Jean-Baptiste, duquel il fait l’éloge. On cherche en vain une occasion à cette vacillation dans la conduite de Jésus, ou dans la position qu’il occupait alors ; car la nouvelle des œuvres du Christ, ἔργα τοῦ Χριστοῦ, qui, d’après Luc, étaient des miracles, pouvait moins que tout le reste exciter des doutes dans l’âme de Jean ; or, c’est sur cette nouvelle qu’il envoya le message rappelé plus haut. Enfin on aurait droit de s’étonner que, plus tard (Joh. 5, 33 seq.), Jésus en eut appelé avec tant de confiance au témoignage de Jean-Baptiste, si l’on savait d’ailleurs que Jean avait fini par douter lui-même de la messianité de Jésus[1].

On a donc essayé de tourner la chose de manière que Jean ait fait faire la demande, non pour lui-même ni pour confirmer sa conviction devenue chancelante, mais pour ses disciples, et pour écarter des doutes qui ne l’avaient pas effleuré[2]. De cette façon, sans doute, les difficultés indiquées se résolvent ; on voit, ce semble, clairement comment Jean-Baptiste, justement à la nouvelle des miracles de Jésus, s’est décidé à envoyer le message ; il espérait, en effet, que ses disciples, qui ne croyaient pas à ses paroles sur Jésus, comprendraient, à la vue des actes extraordinaires de ce dernier, qu’il avait raison, lui Jean, de les adresser à Jésus comme au Messie. Mais comment Jean pouvait-il espérer que ses envoyés trouveraient accidentellement Jésus occupé à faire des miracles ? Dans le fait, d’après Matthieu, ils ne le trouvèrent pas ainsi occupé ; et Jésus (v. 4 seq.) n’en appela qu’à ce qu’ils pourraient souvent voir, qu’à ce qu’ils pourraient partout entendre raconter dans son voisinage. Luc, dont le récit est évidemment de seconde main[3],

  1. Voyez Paulus, Kuinœl, sur ce passage ; Beugel, l. c., S. 763 ff.
  2. Par exemple Calvin, Comm. in harm. ex Matth., Marc. et Luc, P. 1. p. 258, ed. Tholuck.
  3. Nous qualifions ainsi, avec Schleiermacher (Über den Lukas, S. 106 f.), le récit du troisième évangile : 1° à cause de la répétition oiseuse des paroles de Jean-Baptiste, v. 20 ; 2° à cause de la méprise, v. 18 et 21, dont il sera bientôt question, et dont l’analogue paraît se trouver encore, v. 29. 30.