Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/463

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hérétique, Jésus, lors de son baptême, fit une confession de ses péchés[1].

On peut, dans tous les cas, être amené à une semblable conjecture par les réflexions suivantes : Jean-Baptiste, d’après Matthieu (3, 6), paraît avoir exigé, avant le baptême, une confession des fautes ; Jésus, supposé sans péché, ne pouvait faire une pareille confession sans manquer à la vérité ; s’il la refusait, Jean-Baptiste se décidait difficilement à le baptiser ; car il ne le regardait pas d’avance comme le Messie, et il devait considérer une confession des péchés comme indispensable à tout autre Israélite. Dans le cas où Jésus n’aurait pas voulu faire une pareille confession, le débat auquel Matthieu a donné un objet tout différent aurait bien pu s’élever sur ce point ; mais certainement, si le refus de Jean, διεκώλυεν, avait été le résultat de cette résistance de Jésus, la chose ne se serait pas arrangée avec cette seule réponse : Cela convient ainsi, οὕτω πρέπον ἐστίν, et Jean-Baptiste, s’il n’y avait pas eu confession, n’aurait pas trouvé que toute justice avait été accomplie, πληρῶσαι πᾶσαν δικαιοσύνην. Quand bien même tout catéchumène n’aurait pas été astreint à se confesser, Jean, en accomplissant l’acte du baptême, n’aurait certainement pas gardé le silence, mais il aurait adressé aux néophytes des paroles relatives à la pénitence, μετάνοια. Jésus pouvait-il laisser prononcer de telles paroles sur lui-même, s’il avait la conscience de n’avoir besoin d’aucun changement de senti-

  1. L’auteur du Tractatus de non iterando baptismo, dans les œuvres de Cyprien, éd. Rigault., p. 139 (le passage se trouve aussi dans Fabric., Cod. Apocr. N. T., p. 799 seq.) dit : Est… liber qui inscribitur Pauli prædicatio ; in quo libro contra omnes scripturas et de peccato proprio confitentem invenies Christum, qui solus omnino nihil deliquit, et ad accipiendum Joannis baptisma pene invitum a matre sua Maria esse compulsum. Ce refus de se soumettre au baptême est d’accord, non avec la confession de péchés que Jésus aurait commis, mais seulement avec la conscience de n’en avoir commis aucun, comme il s’exprime dans l’évangile des Nazaréens ; en conséquence, ce que racontait le livre intitulé Prædicatio Pauli peut avoir eu de l’analogie avec les dires de cet évangile, et peut-être n’a-t-on donné aux paroles de ce livre un sens plus dur que parce que, dans la haine qu’inspirait l’hérésie, on les a mal comprises.