Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/468

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la voix céleste, changements dont il faudra parler plus loin. En vue de qui ce miracle a-t-il été opéré ? c’est une question sur laquelle on peut rester indécis en comparant les différents récits. D’après le quatrième évangile, où Jean-Baptiste raconte le miracle à ses disciples, ces derniers ne paraissent pas en avoir été témoins ; mais Jean rapporte comment Celui qui l’avait envoyé pour baptiser lui avait annoncé que l’Esprit, descendant et se posant sur un homme, signalerait cet homme comme le Messie ; il semble donc que le miracle a été opéré principalement pour Jean-Baptiste. D’après Marc, c’est Jésus, qui, en sortant de l’eau, voit le ciel s’entr’ouvrir et l’Esprit descendre. Ce qui semble le plus naturel aussi dans Matthieu, c’est de rapporter les mots il vit, εἶδε et s’entr’ouvrirent pour lui, ἀνεῴχθησαν αὐτῷ, à Jésus, ὁ Ἰησοῦς, qui avait été sujet immédiatement auparavant ; mais, aussitôt après il est dit qu’il vit l’Esprit-Saint venir sur lui, ἐπ’ αὐτὸν, et non sur soi, ἐφ’ αὑτὸν (chez Marc, le ἐπ’ αὐτὸν, qui ne convient pas dans sa construction, s’explique par sa dépendance de Matthieu) ; il semble donc que celui qui vit n’a pas été le même que celui sur qui il vit descendre l’Esprit, et l’on est disposé à reporter les mots il vit et s’entr’ouvrirent ou sujet plus éloigné, qui est Jean-Baptiste, d’autant plus que, la voix céleste parlant de Jésus à la troisième personne, il sera surtout naturel de supposer que Jean-Baptiste a été un second témoin du miracle. Luc paraît donner un beaucoup plus grand public à cette scène ; car, suivant lui, Jésus reçoit le baptême en même temps que tout le peuple était baptisé, ἐν τῷ βαπτισθῆναι ἅπαντα τὸν λαόν ; en conséquence, on est porté à croire qu’il a supposé que tout le peuple avait été témoin de la scène décrite[1].

  1. Pour ces divergences, comparez Usteri, Sur Jean-Baptiste, le baptême et la tentation du Christ, dans Theolog. Studien und Kritiken, 2ten Bandes drittes Heft, S. 442 ff. ; Bleek, Remarques sur l’évangile de Jean, même recueil, 1833, 2, p. 428 et seq.