Aller au contenu

Page:Stuart Merrill - Prose et vers (1925).pdf/194

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’il n’appartient pas au poète de dévoiler. C’est au lecteur de s’initier aux secrets de la Muse.

Son génie fut grave, lointain et hermétique. Ne fit-il pas jouer La Fille aux Mains Coupées derrière un voile de gaze, comme pour mieux situer la légende dans le domaine de l’irréel et des rêves ? L’on pourrait en ces artifices voir le résultat de l’enseignement de Mallarmé. Mais il n’en est rien. L’expression reste lumineuse, les alexandrins déroulent avec régularité leur rythme merveilleux, une volonté rompue aux arts magiques du lyrisme mène le poème à sa perfection euphonique. Faut-il accuser chez Pierre Quillard une certaine prédominance des mots sur l’idée ? Certes, non. Quoiqu’il sût que l’état lyrique n’a aucun rapport avec l’état logique et que le poème est presque toujours la création du subconscient, il n’en est pas moins constant qu’un homme comme Quillard ne pouvait laisser ensorceler sa si forte intelligence par la simple mélodie des syllabes. Au centre du poème, comme le sang du Christ au sein du Graal, resplendit l’Idée, et ce que j’affirme ici pour le mystère de la Fille aux Mains Coupées est vrai pour tous les poèmes de Quillard.

Bref, quand on sera revenu de bien des modes du lyrisme contemporain, on honorera de nouveau, avec une grave et repentante piété, l’œuvre