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Page:Stuart Merrill - Prose et vers (1925).pdf/211

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s’enhardit à nous les lire. Nous y éprouvâmes le charme d’une chanson d’enfance depuis trop longtemps oubliée et remémorée, un soir de fatigue, par une voix jeune de passant… Certains ne comprirent pas d’abord ce qu’il y avait de nouveau, ou plutôt d’éternel, dans ces poèmes si frais, si purs, si sincères. Pourtant, aux soirées littéraires de la Plume, Henri Degron sut gagner à lui un public déjà las de rhétorique vide, de faux mysticisme et de perversité d’emprunt. Il y disait des poèmes, il y chanta les Bois, ce petit chef-d’œuvre tout parfumé de discrète mélancolie, et dont il avait composé la musique.

Si l’inspiration d’Henri Degron est primesautière, il serait téméraire, malgré les apparences, d’en affirmer autant de son art. Ses vers n’ont qu’un air d’ingénuité ; ils sont, en vérité, soumis à une très maligne volonté d’artiste. Et c’est parce que Degron est un artiste, qu’il lui est permis de nous charmer par cette simplicité non dénuée d’artifice. Il rappelle ces peintres Japonais qui, en quelques décisifs coups de pinceau, imposent sur le papier de riz la silhouette fuyante d’une branche de pêcher fleuri contre le crépuscule, d’un poisson virant, la queue oblique, dans un