Aller au contenu

Page:Stuart Merrill - Prose et vers (1925).pdf/242

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que pitoyable maladie. Ainsi la démence dont souffrit Oscar Wilde l’emporta, dans l’opinion publique, sur toute une vie de haute pensée, d’honnête labeur et de noble sentiment.

Cette bégueulerie de l’opinion ne s’inspire-t-elle pas de la haine de l’art ? Les savants, eux, peuvent se livrer impunément à des polissonneries dont rougirait un pornographe de profession. Je n’en veux pour preuve que ces innombrables traités sur les anomalies sexuelles qui garnissent les vitrines de nos libraires. Combien en est-il qui soient véritablement scientifiques ? Cependant la police n’ose toucher à un livre qui porte l’estampille de la Faculté. Mais qu’un artiste plein de miséricorde, comme Baudelaire ou Georges Eekhoud, se penche, les larmes aux yeux, sur les pauvres malades de l’amour, aussitôt les moralistes de sacristie et d’arrière-boutique crient haro sur lui, le dénoncent à la vindicte publique, et n’ont de cesse qu’ils ne l’aient moralement déshonoré.

Oscar Wilde, qui se débattit toute sa vie contre sa folie, mourut, victime de ces moralistes. Il avait pourtant écrit de beaux vers comme Poèmes et le Sphinx, de la critique dans Intentions, des contes, le Prince Heureux et la Maison des Grenades, un roman, Dorian Gray, des pièces de théâtre, Salomé et l’Éventail de lady Windermere.