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Page:Stuart Merrill - Prose et vers (1925).pdf/259

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II

Au long du lac Léman, dont l’onde grise, verte et bleue est plissée par le sillage des cygnes, on entend du matin au soir des musiciens ambulants chanter au son des harpes, des guitares et des violons Santa Lucia, Carmela ou Addio Napoli. C’est triste à mourir, car personne ne les écoute, et les prestes chansons napolitaines semblent avoir mal aux ailes. Il faudrait le parfum des fleurs, la gloire des haillons, la folie de l’amour pour qu’elles éclatassent mélodieusement au cœur des lazzaroni.

Sur l’onde grise, verte et bleue, les cygnes traînent sagement leur sillage…

III

Sur ce quai des Eaux-Vives, une lourde après-midi d’été, un vieillard pince de la harpe en dodelinant de la tête et une petite fille coiffée d’un chapeau vert à fleurs rouges râcle du violon qu’elle tient appuyé, comme les angelots des peintres viennois, sur son ventre bombé. La musique de ce couple disparate sonne comme une ironique invitation à la gaieté. Une brise brûlante remue l’ombre des marronniers sur le bitume. Un chien lappe à coups rapides l’eau qu’un arro-