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Page:Stuart Merrill - Prose et vers (1925).pdf/75

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la même façon. Et ne souris pas parce que j’évoque ici les noms des chantres sublimes de l’amour. Je sais que mon nom est si peu de chose que je ne l’écrirai même pas au bas de ces poèmes. Mais, crois-moi, je voudrais avoir la gloire de Dante, de Pétrarque et de Heine et de tous les poètes de toutes les contrées et de tous les temps, pour t’en faire simplement, ô bien aimée, le sacrifice secret et pour me taire avant d’être devenu immortel.

11

Te souviens-tu du jour où tu me donnas tes lèvres, et tes yeux et tes mains ?

Nous étions au centre de la grande cité, la foule s’agitait et bruissait autour de nous. Mais en vérité nous étions seuls au monde.

Celui-ci vaquait à ses affaires, celle-là courait à ses emplettes, et tous les passants croyaient qu’ils existaient devant la face de Dieu. — Mais non ! il n’existait ce jour-là que tes lèvres, et tes yeux et tes mains.

Tes mains étaient tremblantes dans les miennes comme des oiseaux captifs, tes yeux étaient tout le soleil pour moi, et tes lèvres sous les miennes avaient le goût des fruits qu’on cueille au verger des rêves.

Il n’était rien au monde, ce jour-là, que toi et