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Page:Stuart Merrill - Prose et vers (1925).pdf/9

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promesses éparses dans l’avenir, se dresse en isolé sur le monde, s’offre, en exemple, en expiation, en holocauste, à la foule misérable, confuse, ignorante ; il fait appel à l’exaltation des autres ; il s’efforce de les entraîner, ou il les plaint en lui, ou il les maudit, ou il les enflamme ; mais toujours il en est distinct et séparé, qu’il descende vers ses frères pour les enrichir de la bonne parole, ou qu’il lamente leur ignorance et leur méchanceté.

Or, Walt Whitman n’est pas ainsi ; sa voix chante, dans ses maux propres, dans sa volonté, ses extases et ses élans, les maux, la volonté, les extases, les élans de tous les hommes ; tous les hommes sont semblables à lui ; il ne diffère d’eux en aucune façon. Stuart Merrill éprouve, sans doute, des deuils personnels, se réjouit de visions, d’exaltations personnelles, mais ces deuils, ces visions, ces exaltations ne forment que les faces, qui lui sont perceptibles, des impressions et des pensées de l’humanité environnante ; il ne croit pas être l’élu que désignent des facultés spéciales ; il ne s’exprime qu’au nom et en faveur de tous ; il est une âme dans la foule, une voix dans la foule, selon le titre de son recueil suprême.

Si l’on entrevoyait le poète dans les obscures intentions de son chant, si l’on sentait frémir,