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frère, qu’il retournât à Rome, précédé par des lettres au sénat. Mais, pendant qu’ils étaient ensemble en marche et dans la même voiture, ce prince fut frappé d’apoplexie et mourut.

XV.

Marc-Aurèle avait l’habitude, pendant les jeux du cirque, de lire, d’entendre des rapports et de signer des édits ; ce qui, dit-on, l’exposa souvent aux railleries du peuple. Les affranchis Géminas et Agaclytus eurent un grand crédit sous ces deux empereurs. Marc-Aurèle, quoique les vices de Vérus lui causassent un profond chagrin, avait des sentiments si généreux, qu’il cachait et excusait ses désordres. Il le mit, après sa mort, au rang des dieux ; il combla ses tantes et ses sœurs de distinctions et de présents ; il honora sa mémoire par plusieurs cérémonies religieuses ; il lui donna un flamine et des prêtres nommés Antoniens ; il lui prodigua enfin tous les honneurs qui s’accordent aux dieux. Aucun prince n’est à l’abri de la calomnie : ainsi, l’on accusa tout haut Marc-Aurèle d’avoir fait mourir Vérus, soit par le poison, en coupant à table, avec un couteau dont un côté était frotté de poison, une tétine de truie, et en lui présentant la partie empoisonnée, après avoir gardé celle qui ne l’était pas ; soit par l’entremise du médecin Posidippe, qui le saigna, dit-on, mal à propos.

XVI.

Cassius, après la mort de Vérus, se révolta contre Marc-Aurèle. Ce prince, d’une bonté inépuisable envers ceux qui l’entouraient, combla tous ses proches de dignités et d’honneurs, accorda de bonne heure à son fils Commode, qui était vicieux et méchant, le nom de César, puis le sacerdoce, et, immédiatement après, le titre d’empereur, le droit de triompher avec lui, et le consulat. On le vit même alors suivre à pied dans le cirque, malgré son âge, le char triomphal de son fils.

Après la mort de Vérus, Marc-Aurèle gouverna seul la république, et se livra d’autant plus librement aux vertueuses inclinations de son cœur, qu’il n’était plus gêné par les rigueurs artificieuses de ce prince, en qui la dissimulation était naturelle, ni par ses vices, qui lui faisaient depuis longtemps horreur, l’âge n’ayant fait que développer tous ses mauvais penchants.

Il avait lui-même une telle égalité d’âme, qu’on ne vit jamais la tristesse ou la joie changer les traits de son visage : c’était là le fruit de la philosophie stoïcienne, dont il avait puisé les principes dans l’entretien des meilleurs maîtres. Aussi Adrien l’aurait-il nommé, comme on l’a dit, son successeur, si sa jeunesse ne lui avait paru un obstacle. Ce qui le prouve, c’est qu’il le donna pour gendre à Antonin le Pieux, comme un prince qui devait un jour mériter l’empire.

XVII.

Marc-Aurèle gouverna donc ensuite les provinces romaines avec beaucoup de modération et de bonté. Il remporta de grands avantages sur les Germains. Il montra surtout dans la guerre des Marcomans un courage et une habileté sans exemple, dans le temps même où une horrible peste enlevait tous les jours plusieurs milliers de citoyens et de soldats. Il délivra les Pannonies de l’esclavage, par l’entière défaite des Marcomans, des Sarmates, des Vandales et des Quades. Il célébra son triomphe à Rome avec son fils Commode, qu’il avait déjà créé César.