Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/41

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combien plus je le sais aujourd’hui. J’avais donc tout prévu ? ô l’incroyable misère… Tu t’es retiré. Et l’horreur m’est apparue dans une entière nudité.

— Je ne me suis pas retiré, mon frère.

— Ha, je le sais. Tu ne l’eusses pas fait. Tu m’as été pris. L’ignoble destin a cherché dans mon cœur la plus belle place, le cœur du cœur et la vie de la vie. L’ayant bien trouvée, il me l’arrache. Pleure, maintenant : jusqu’à ce que tu meures. Sera-ce à minuit ? — Déjà donc il a sonné, l’onzième coup de la douzième heure.

— Non, ce n’est pas l’heure encore. Vis, mon bien aimé.

— Pourquoi veux-tu que je vive, dis, et pour qui ?

— D’autres t’aiment, d’une bonté exquise, et que ton grand amour m’a fait moi-même grandement aimer.