Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/43

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m’éteindre. Ne me demande pas de poursuivre, doux frère ; ne me demande pas de m’attarder.

— Vis pourtant. C’est ma prière.

— Je mourrai donc bien lentement, mon Bien Aimé. Va, je t’ai suivi dans l’ombre : j’y suis déjà de beaucoup plus que de la moitié.

— Reste. Je t’attendrai.

— Ha, laisse-moi pleurer… Laisse-moi tout entier te suivre.

— Il faut que tu souffres encore, pauvre frère.

— Ne m’aimes-tu donc pas assez ?

— C’est justement parce que je t’ai tant aimé, tu le sais, que je te dis : demeure.

— La tendresse infinie est-elle un si grand crime contre la nature ?

— Elle l’est, pauvre frère. Aime donc et souffre.