Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/91

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écrase de pierres et de fleurs ; on les plante d’arbres verts. On marche sur eux, même à genoux. On les enfonce à l’écart de ce que nous sommes, leurs fils, leurs amants ou leurs frères. Cet immense respect est fait d’une immense terreur.

Si la pitié était la plus forte, chacun garderait ses morts. Chaque maison aurait son enclos ; et son enfeu, chaque foyer. Les seules sépultures communes, on les demanderait aux jardins, aux parcs, aux forêts ; un arbre pour un mort, un couvert de hêtres, un pré. Mais non : l’État veille avec les lois ; l’État, qui est le tuteur de la vie commune ; et les lois, qui sont jalouses, justement, de voiler la mort. C’est la vilenie sacrée, la sainte lâcheté de la vie ; capable de tout moins de ne pas connaître qu’elle. Condamnée, comme elle est, dans chaque membre, elle se