Page:Suarès - Tolstoï.djvu/34

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bien ; et ce sont de petits objets, au prix de l’amour-propre et de la vanité d’auteur. Il est vrai qu’un jugement si dur, et si à l’aise dans le mépris, étonne venant d’une âme chrétienne et d’un esprit où la charité doit avoir le pas même sur l’exacte justice. Mais il n’est pas loisible, même aux plus grands apôtres, d’être chrétiens parfaits, comme les solitaires. Ils ont l’épée de saint Paul ; et même quand ils en détestent l’usage, — bien plus, quand le doute les prend de son utilité, — c’est sur le glaive qu’ils s’appuient, comme on voit, selon la profonde pensée de Raphaël, saint Paul méditer, la main sur son arme, aux mérites singuliers de sainte Cécile, à la victoire de la musique et de la seule douceur. Les apôtres sont nés pour combattre ; et la lutte porte en soi sa dureté.

Il est douteux qu’il y ait jamais eu une grande âme sans orgueil, — ou une petite sans vanité. Toute la différence de l’orgueil des unes à l’orgueil des autres est de savoir où on l’a placé. Dans tous ses livres, Tolstoï est orgueilleux : il accuse son amour-propre d’enfant, comme son entêtement d’homme fait, qui s’opiniâtre dans ses vues, et les préfère à celles d’autrui. Toutefois, plus