Page:Suarès - Tolstoï.djvu/40

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voit pas d’abord. Ces tableaux immenses de toute une époque, de toute une société, sont le cadre d’un drame particulier, où le sort d’une conscience se joue. Il y va toujours de la vie, pour ces héros ; et, comme pour Tolstoï, leur vie n’a point de sens, que dans son étroite union avec la vie universelle.

Dans Guerre et Paix, il s’agit, avant tout, de savoir quel effet les catastrophes de la patrie ont sur Pierre Bésoukhow, et le rapport de cette vie à celle de tout le peuple. Bésoukhow est le raccourci de toute sa race, l’homme de grande famille où, grâce au mélange du sang et au hasard d’une naissance irrégulière, la nature du moujik prend conscience d’elle-même ; il arrive que cette histoire d’un seul, loin d’être un épisode du poème, en est le sujet véritable. Les immenses proportions d’une épopée nationale cachent ce dessein avec un art infini. La colère d’Achille se mêle, à peu près de la même manière, à la guerre des Grecs contre Troie, qui est l’Iliade.

Anna Kharénine est l’occasion, pour Tolstoï, d’éprouver toutes les idées morales et les principes où notre société repose. Il les prend dans leur pureté, et les suit jusque dans le feu de leur propre