Page:Suarès - Tolstoï.djvu/90

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Qu’ensuite il plie son caractère tant qu’il voudra ; qu’il contrarie ses mœurs, et rompe ses goûts. Quelle petitesse de croire, là-dessus, que la volonté y est pour tout : elle n’y est que pour le monde et la vie, qui ne sont rien ; mais en rien, pour le fond même du moi, qui est tout. Et d’abord, qu’est-ce qu’une volonté hors de la nature ? On ne veut que comme l’on est.

La volonté, dans Tolstoï et ceux de son ordre, dépend étroitement de la raison. Quand il sait ce qu’il doit vouloir, il le veut aussitôt. La volonté est une vue profonde et vaste de l’univers. Il n’y a guère partout que des aveugles. Ils s’agitent honteusement ; et ils s’imaginent qu’ils veulent. Et on le croit. Spectacle qui fait pitié.

Tolstoï, encore une fois, en juge comme Descartes et les anciens : c’est une bonne tête ; mais qui veut être la servante, sans repos, de l’amour : Marie a choisi la bonne part, qui ne lui sera point ôtée. Il veut selon son cœur enfin, et non selon ses habitudes, ou celles que le monde a pour nous. Il nie qu’il soit bon, comme tous les moralistes ; et il en est sûr, comme bien peu : cette idée ravit. À l’égal de chaque grande conscience,