Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 1-2.djvu/356

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— Depuis longtemps… je n’avais pas rêvé de ce voyageur.

— N’est-il pas mort ? dit Faringhea en haussant les épaules. N’est-ce pas toi qui lui as lancé le lacet autour du cou ?

— Oui, dit l’Indien en tressaillant…

— N’avons-nous pas creusé sa fosse auprès de celle du colonel Kennedy ? Ne l’y avons-nous pas enterré comme le bourreau anglais, sous le sable et sous les joncs ? dit le nègre.

— Oui, nous avons creusé la fosse, dit l’Indien en frémissant, et pourtant il y a un an, j’étais près de la porte de Bombay, le soir… j’attendais un de nos frères… Le soleil allait se coucher derrière la pagode qui est à l’est de la petite colline ; je vois encore tout cela, j’étais assis sous un figuier… j’entends un pas calme, lent et ferme, je détourne la tête… c’était lui… il sortait de la ville.

— Vision ! dit le nègre, toujours cette vision !

— Vision ! ajouta Faringhea, ou vague ressemblance.

— À cette marque noire qui lui barre le front, je l’ai reconnu ; c’était lui ; je restai immobile d’épouvante… les yeux hagards ; il s’est arrêté en attachant sur moi un regard calme