Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 1-2.djvu/490

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chagrins et des humiliations sans nombre.

Mais, chose rare, ce corps difforme renfermait une âme aimante et généreuse, un esprit cultivé… cultivé jusqu’à la poésie ; hâtons-nous d’ajouter que ce phénomène était dû à l’exemple d’Agricol Baudoin, avec qui la Mayeux avait été élevée, et chez lequel l’instinct poétique s’était naturellement révélé.

La pauvre fille avait été la première confidente des essais littéraires du jeune forgeron, et lorsqu’il lui parla du charme, du délassement extrême qu’il trouvait, après une dure journée de travail, dans la rêverie poétique, l’ouvrière, douée d’un esprit naturel remarquable, sentit à son tour de quelle ressource pourrait lui être cette distraction, à elle, toujours si solitaire, si dédaignée.

Un jour, au grand étonnement d’Agricol, qui venait de lui lire une pièce de vers, la bonne Mayeux rougit, balbutia, sourit timidement, et enfin lui fit aussi sa confidence poétique.

Les vers manquaient peut-être de rhythme, d’harmonie ; mais ils étaient simples, touchants comme une plainte sans amertume confiée au cœur d’un ami… Depuis ce jour Agricol et elle se consultèrent, s’encouragèrent mutuellement ; mais, sauf lui, personne au monde ne