Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 1-2.djvu/82

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orphelines confiées à ses soins une marque plus éclatante de tendresse et de dévouement. Pour un homme de sa trempe, se laisser ainsi impunément insulter, et refuser de se battre, le sacrifice était immense.

— Ainsi, vous êtes un lâche… vous avez peur… vous l’avouez…

À ces mots, Dagobert fit, si cela peut se dire, un soubresaut sur lui-même, comme si, au moment de s’élancer sur le Prophète, une pensée soudaine l’avait retenu…

En effet, il venait de penser aux deux jeunes filles et aux funestes entraves qu’un duel, heureux ou malheureux, pouvait mettre à leur voyage.

Mais ce mouvement de colère du soldat, quoique rapide, fut tellement significatif, l’expression de sa rude figure pâle et baignée de sueur fut si terrible, que le Prophète et les curieux reculèrent d’un pas.

Un profond silence régna pendant quelques secondes, et, par un revirement soudain, l’intérêt général fut acquis à Dagobert. L’un des spectateurs dit à ceux qui l’entouraient :

— Au fait, cet homme n’est pas un lâche…

— Non, certes.

— Il faut quelquefois plus de courage pour refuser de se battre que pour accepter…