Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 3-4.djvu/157

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Adrienne se tenait assise sur le bord de son lit ; sa pâleur effrayante, la profonde altération de ses traits, ses yeux brillant du sombre feu de la fièvre, les tressaillements convulsifs qui l’agitaient de temps à autre, montraient déjà les funestes conséquences de cette nuit terrible sur cette organisation impressionnable et nerveuse.

À la vue du docteur Baleinier, qui, d’un signe, fit sortir Gervaise et la Thomas, mademoiselle de Cardoville resta pétrifiée.

Elle éprouvait une sorte de vertige en songeant à l’audace de cet homme ;… il osait se représenter devant elle !…

Mais lorsque le médecin répéta de sa voix doucereuse et d’un ton pénétré d’affectueux intérêt : « Eh bien ! ma pauvre enfant… comment avons-nous passé la nuit ?… » Adrienne porta vivement ses mains à son front brûlant comme pour se demander si elle veillait ou si elle rêvait. Puis, regardant le médecin, ses lèvres s’entr’ouvrirent ;… mais elles tremblèrent si fort qu’il lui fut impossible d’articuler un mot.

La colère, l’indignation, le mépris, et surtout ce ressentiment si atrocement douloureux que cause aux cœurs généreux la confiance lâchement trahie, bouleversaient tellement