Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 3-4.djvu/245

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de derrière le fauteuil où il était couché, et apparut tout à coup bâillant et s’étirant.

À la vue de ce robuste animal, et des deux rangs de formidables crocs acérés qu’il semblait complaisamment étaler en ouvrant sa large gueule, madame Grivois ne put s’empêcher de jeter un cri d’effroi ; le hargneux carlin avait d’abord tremblé de tous ses membres en se trouvant en face de Rabat-Joie ; mais une fois en sûreté sur les genoux de sa maîtresse, il commença de grogner insolemment et de jeter sur le chien de Sibérie les regards les plus provocants ; mais le digne compagnon de feu Jovial répondit dédaigneusement par un nouveau bâillement ; après quoi, flairant avec une sorte d’inquiétude les vêtements de madame Grivois, il tourna le dos à Monsieur, il alla s’étendre aux pieds de Rose et Blanche, dont il ne détourna plus ses grands yeux intelligents comme s’il eût pressenti qu’un danger les menaçait.

— Faites sortir ce chien d’ici, dit impérieusement madame Grivois, il effarouche le mien et pourrait lui faire du mal.

— Soyez tranquille, madame, répondit Rose en souriant, Rabat-Joie n’est pas méchant quand on ne l’attaque pas.

— Il n’importe ! s’écria madame Grivois, un malheur est bientôt arrivé. Rien qu’à voir cet