Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 3-4.djvu/536

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voyage. Voyons, sœur, du courage, embrasse-moi… Je te laisse ma pauvre mère.

Et le forgeron, profondément ému, serra cordialement dans ses bras la Mayeux qui se sentait défaillir.

— Allons, mon vieux Rabat-Joie… en route, dit Dagobert, tu nous serviras de vedette…

Puis s’approchant de sa femme qui, s’étant relevée, serrait contre sa poitrine la tête de son fils, qu’elle couvrait de baisers en fondant en larmes, le soldat lui dit, affectant autant de calme que de sérénité :

— Allons, ma chère femme, sois raisonnable, fais-nous bon feu… dans deux ou trois heures nous ramènerons ici deux pauvres enfants et une belle demoiselle… Embrasse-moi… cela me portera bonheur.

Françoise se jeta au cou de son mari sans prononcer une parole.

Ce désespoir muet, accentué par des sanglots sourds et convulsifs, était déchirant. Dagobert fut obligé de s’arracher des bras de sa femme, et, cachant son émotion, il dit à son fils d’une voix altérée :

— Partons… partons… elle me fend le cœur… Ma bonne Mayeux, veillez sur elle… Agricol… viens…

Et le soldat, glissant ses pistolets dans la