Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 3-4.djvu/82

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brement et généreusement, à la vue de tous.

— Cette idée est absurde ! est insensée ! s’écria la princesse ; c’est pousser la démoralisation, l’oubli de toute pudeur jusqu’à ses dernières limites que de vouloir vivre ainsi !

— Alors, madame, dit Adrienne, quelle opinion avez-vous donc de tant de pauvres filles du peuple, orphelines comme moi, et qui vivent seules et libres, ainsi que je veux vivre ? Elles n’ont pas reçu comme moi une éducation raffinée qui élève l’âme et épure le cœur. Elles n’ont pas comme moi la richesse qui défend de toutes les mauvaises tentations de la misère… et pourtant elles vivent honnêtes et fières dans leur détresse.

— Le vice et la vertu n’existent pas pour ces canailles-là !… s’écria M. le baron Tripeaud avec une expression de courroux et de mépris hideux.

— Madame, vous chasseriez un de vos laquais qui oserait parler ainsi devant vous, dit Adrienne à sa tante sans pouvoir cacher son dégoût, et vous m’obligez d’entendre de telles choses !…

Le marquis d’Aigrigny donna sous la table un coup de genou à M. Tripeaud, qui s’émancipait jusqu’à parler dans le salon de la princesse comme il parlait dans la coulisse de la bourse,