Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 5-6.djvu/120

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quelques pas ; puis, s’arrêtant et se mettant bien en face du père d’Aigrigny, il le contempla pendant une seconde, avec un si effrayant mélange de curiosité, de mépris, d’aversion et d’audace, que l’ex-colonel de hussards, un moment interdit, baissa les yeux devant la figure pâle et devant le regard étincelant du vétéran.

Le notaire et Samuel, frappés de surprise, restaient muets spectateurs de cette scène, tandis qu’Agricol et Gabriel suivaient avec anxiété les moindres mouvements de Dagobert.

Quant à Rodin, il avait feint de s’appuyer sur la cassette, afin de pouvoir toujours la couvrir de son corps.

Surmontant enfin l’embarras que lui causait le regard inflexible du soldat, le père d’Aigrigny redressa la tête et répéta :

— Je vous demande, monsieur, qui vous êtes et ce que vous voulez ?

— Vous ne me reconnaissez donc pas ? dit Dagobert en se contenant à peine.

— Non, monsieur…

— Au fait, reprit le soldat avec un profond dédain, vous baissiez les yeux de honte, lorsqu’à Leipzig, où vous vous battiez avec les Russes contre les Français, le général Simon, criblé de blessures, vous a répondu, à vous