Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 5-6.djvu/289

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mademoiselle de Cardoville, de plus en plus étonnée.

— Je suis… Rodin… ex-secrétaire de M. l’abbé d’Aigrigny… bien peu de chose, comme vous voyez.

Il faut renoncer à rendre l’accent à la fois humble et ingénu du jésuite, en prononçant ces mots qu’il accompagna d’un salut respectueux.

À cette révélation, mademoiselle de Cardoville se recula brusquement.

Nous l’avons dit, Adrienne avait quelquefois entendu parler de Rodin, l’humble secrétaire de l’abbé d’Aigrigny, comme d’une sorte de machine obéissante et passive. Ce n’était pas tout : le régisseur de la terre de Cardoville, en écrivant à Adrienne au sujet du prince Djalma, s’était plaint des propositions perfides et déloyales de Rodin. Elle sentit donc s’éveiller une vague défiance, lorsqu’elle apprit que son libérateur était l’homme qui avait joué un rôle si odieux. Du reste, ce sentiment défavorable était balancé par ce qu’elle devait à Rodin, et par la dénonciation qu’il venait de formuler si nettement contre l’abbé d’Aigrigny devant le magistrat ; et puis enfin, par l’aveu même du jésuite qui, s’accusant lui-même, allait ainsi au-devant du reproche qu’on pouvait lui adresser.