Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 5-6.djvu/305

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mieux qu’un autre peut-être, arriver à une haute position, dit Adrienne singulièrement touchée de la philosophie pratique de Rodin.

— Oui… je le crois, j’aurais pu arriver… mais dès que je le pouvais… à quoi bon ? Voyez-vous, ma chère demoiselle, ce qui rend souvent les gens d’une valeur quelconque inexplicables pour le vulgaire… c’est qu’ils se contentent souvent de dire : Si je voulais !

— Mais enfin, monsieur… sans tenir beaucoup aux aisances de la vie, il est un certain bien-être que l’âge rend presque indispensable, auquel vous renoncez absolument…

— Détrompez-vous, s’il vous plaît, ma chère demoiselle, dit Rodin en souriant avec finesse, je suis très-sybarite ; il me faut absolument un bon vêtement, un bon poêle, un bon matelas, un bon morceau de pain, un bon radis, bien piquant, assaisonné de bon sel gris, de bonne eau limpide ; et pourtant, malgré la complication de mes goûts, mes douze cents francs me suffisent et au-delà, puisque je puis faire quelques économies.

— Et maintenant que vous voici sans emploi, comment allez-vous vivre, monsieur ? dit Adrienne, de plus en plus intéressée par la bizarrerie de cet homme, et pensant à mettre son désintéressement à l’épreuve.