Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 5-6.djvu/308

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— Que voulez-vous ? je vous dis naïvement mes impressions ; à cette heure, je m’explique parfaitement, par exemple, votre amour passionné du beau, votre culte religieux pour les sensualités raffinées, vos ardentes aspirations vers un monde meilleur, votre courageux mépris pour bien des usages dégradants, serviles, auxquels la femme est soumise ; oui, maintenant, je comprends mieux encore le noble orgueil avec lequel vous contemplez ce flot d’hommes vains, suffisants, ridicules, pour qui la femme est une créature à eux dévolue, de par les lois qu’ils ont faites à leur image, qui n’est pas belle. Selon ces tyranneaux, la femme, espèce inférieure à laquelle un concile de cardinaux a daigné reconnaître une âme à deux voix de majorité, ne doit-elle pas s’estimer mille fois heureuse d’être la servante de ces petits pachas, vieux à trente ans, essoufflés, épouffés, blasés, qui, las de tous les excès, voulant se reposer dans leur épuisement, songent comme on dit, à faire une fin, ce qu’ils entreprennent en épousant une pauvre jeune fille qui désire, elle, au contraire, faire un commencement !

Mademoiselle de Cardoville eût certainement souri aux traits satiriques de Rodin, si elle n’eût pas été singulièrement frappée de l’entendre s’exprimer dans des termes si appropriés