Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 5-6.djvu/41

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nait plus. Je subis toutes les épreuves ;… la plus terrible fut décisive ;… pendant plusieurs mois j’ai vécu dans le silence de ma cellule, pratiquant avec résignation l’exercice étrange et machinal que vous m’aviez ordonné, mon père. Excepté Votre Révérence, personne ne s’approchait de moi pendant ce long espace de temps ; aucune voix humaine, si ce n’est la vôtre, ne frappait mon oreille ;… la nuit quelquefois j’éprouvais de vagues terreurs ;… mon esprit, affaibli par le jeûne, par les austérités, par la solitude, était alors frappé de visions effrayantes ; d’autres fois, au contraire, j’éprouvais un accablement rempli d’une sorte de quiétude, en songeant que prononcer mes vœux, c’était me délivrer à jamais du fardeau de la volonté et de la pensée… Alors je m’abandonnais à une insupportable torpeur, ainsi que ces malheureux qui, surpris dans les neiges, cèdent à l’engourdissement d’un froid homicide… J’attendais le moment fatal… Enfin, selon que le voulait la discipline, mon père, étouffant dans mon agonie[1], je hâtais le moment d’accomplir le dernier acte de ma volonté expi-

  1. Cette expression est textuelle… Il est expressément recommandé par la constitution d’attendre ce moment décisif de l’épreuve pour hâter la prononciation des vœux.