Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 5-6.djvu/461

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dents blanches et serrées, se retroussait mobile, convulsive, et donnait à sa physionomie, naguère si charmante, une expression de férocité tellement animale, que Rodin se leva de son fauteuil et s’écria :

— Qu’avez-vous… prince ?… vous m’épouvantez.

Djalma ne répondit pas ; à demi penché sur son siége, ses deux mains crispées par la rage, appuyées l’une sur l’autre, il semblait se cramponner à l’un des bras du fauteuil de peur de céder à un accès de fureur épouvantable… À ce moment le hasard voulut que le bout d’ambre du tuyau de houka eût roulé sous son pied ; la tension violente qui contractait tous les nerfs de l’indien était si puissante ; il était, malgré sa jeunesse et sa svelte apparence, d’une telle vigueur, que d’un brusque mouvement il pulvérisa le bout d’ambre malgré son extrême dureté.

— Mais, au nom du ciel, qu’avez-vous, prince ? s’écria Rodin.

— Ainsi j’écraserai mes lâches ennemis ! s’écria Djalma, le regard menaçant et enflammé.

Puis, comme si ces paroles eussent mis le comble à sa rage, il bondit de son siége, et alors, les yeux hagards, il parcourut le salon pendant quelques secondes, allant et venant dans tous