Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 5-6.djvu/523

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« …Je viens d’assister à l’enterrement de cette pauvre petite Victoire Herbin, notre voisine… Son père, ouvrier tapissier, est allé travailler au mois, loin de Paris… Elle est morte à dix-neuf ans, sans parents autour d’elle ;… son agonie n’a pas été douloureuse ; la brave femme qui l’a veillée jusqu’au dernier moment, nous a dit qu’elle n’avait pas prononcé d’autres mots que ceux-ci :

« – Enfin… enfin

« Et cela comme avec contentement, ajoutait la veilleuse.

« Chère enfant ! elle était devenue bien chétive ; mais à quinze ans, c’était un bouton de rose… et si jolie… si fraîche… des cheveux blonds, doux comme de la soie ; mais elle a peu à peu dépéri, son état de cardeuse de matelas l’a tuée… Elle a été, pour ainsi dire, empoisonnée à la longue par les émanations des laines[1]… son métier étant d’autant plus

  1. On lit les détails suivants dans la Ruche populaire, excellent recueil rédigé par des ouvriers, dont nous avons déjà parlé :

    « Cardeuses de matelas. — La poussière qui s’échappe de la laine fait du cardage un état nuisible à la santé, mais dont le danger est encore augmenté par les falsifications commerciales. Quand un mouton est tué, la laine du cou est teinte de sang ; il faut la décolorer, afin de pouvoir la vendre. À cet effet, on la trempe dans la chaux, qui,