Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 5-6.djvu/528

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« Quel mal peut-il résulter de ce que, chaque soir, après une journée laborieuse, sevrée de tout plaisir, de toute distraction, je me plaise, à l’insu de tous, à assembler quelques vers… ou à écrire sur ce journal les impressions bonnes ou mauvaises que j’ai ressenties ?

« Agricol est-il moins bon ouvrier, parce que, de retour chez sa mère, il emploie sa journée du dimanche à composer quelques-uns de ces chants populaires qui glorifient les labeurs nourriciers de l’artisan, qui disent à tous : Espérance et fraternité ? Ne fait-il pas un plus digne usage de son temps que s’il le passait au cabaret ?

« Ah ! ceux-là qui nous blâment de ces innocentes et nobles diversions à nos pénibles travaux et à nos maux, se trompent lorsqu’ils croient qu’à mesure que l’intelligence s’élève et se raffine, on supporte plus impatiemment les privations et la misère, et que l’irritation s’en accroît contre les heureux du monde !…

« En admettant même que cela soit, et cela n’est pas, ne vaudrait-il pas mieux avoir un ennemi intelligent, éclairé, à la raison et au cœur duquel on puisse s’adresser, qu’un ennemi stupide, farouche et implacable ?

« Mais non, au contraire, les inimitiés s’effacent à mesure que l’esprit se développe,