Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 5-6.djvu/544

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plus secrets replis de son âme venaient d’être ainsi surpris, profanés et livrés sans doute aux sarcasmes et aux mépris.

Elle ne songea pas à demander justice et vengeance à mademoiselle de Cardoville : apporter un ferment de trouble et d’irritation dans cette maison au moment de l’abandonner, lui eût semblé de l’ingratitude envers sa bienfaitrice. Elle ne chercha pas à deviner quel pouvait être l’auteur ou le motif d’une si odieuse soustraction et d’une lettre si insultante. À quoi bon… décidée qu’elle était à fuir les humiliations dont on la menaçait ?

Il lui parut vaguement (ainsi qu’on l’avait espéré) que cette indignité devait être l’œuvre de quelque subalterne jaloux de l’affectueuse déférence que lui témoignait mademoiselle de Cardoville… Ainsi pensait la Mayeux avec un désespoir affreux. Ces pages, si douloureusement intimes, qu’elle n’eût pas osé confier à la mère la plus tendre, la plus indulgente, parce qu’écrites, pour ainsi dire, avec le sang de ses blessures, elles reflétaient avec une fidélité trop cruelle les mille plaies secrètes de son âme endolorie… ces pages allaient servir… servaient peut-être, à l’heure même, de jouet et de risée aux valets de l’hôtel.

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