Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 5-6.djvu/552

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artisans ; aussi, Agricol l’avait dit à la Mayeux, établissaient-ils une comparaison pénible pour eux entre leur sort, toujours misérable, et le bien-être, l’aisance presque incroyables dont jouissaient les ouvriers de M. Hardy, grâce à sa généreuse et intelligente direction, ainsi qu’aux principes d’association et de communauté qu’il avait mis en pratique parmi eux.

Le malheur et l’ignorance causent toujours de grands maux. Le malheur s’aigrit facilement et l’ignorance cède parfois aux conseils perfides ; pendant longtemps le bonheur des ouvriers de M. Hardy avait été naturellement envié, mais non jalousé avec haine. Dès que les ténébreux ennemis du fabricant, ralliés à M. Tripeaud, son concurrent, eurent intérêt à ce que ce paisible état de choses changeât… il changea.

Avec une adresse et une persistance diaboliques, on parvint à allumer les plus basses passions ; on s’adressa, par des émissaires choisis, à quelques ouvriers carriers ou tailleurs de pierres du voisinage, dont l’inconduite avait aggravé la misère. Notoirement connus pour leur turbulence, audacieux et énergiques, ces hommes pouvaient exercer une dangereuse influence sur la majorité de leurs compagnons paisibles, laborieux, honnêtes, mais faciles à