Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 5-6.djvu/635

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— Je ne l’ai jamais vu…

— Et que lui reprochez-vous ?… Et comment osez-vous dire qu’il m’a trahi ?

— Monsieur, deux mots, dit Rodin avec une émotion qu’il semblait contenir difficilement ; un homme d’honneur qui voit un autre homme d’honneur sur le point d’être égorgé par un scélérat, doit-il, oui ou non, crier au meurtre ?

— Oui, monsieur ; mais quel rapport…

— À mes yeux, monsieur, certaines trahisons sont aussi criminelles que des meurtres… et je viens me mettre entre le bourreau et la victime…

— Le bourreau ? la victime ? dit M. Hardy de plus en plus étonné.

— Vous connaissez sans doute l’écriture de M. de Blessac ? dit Rodin.

— Oui, monsieur…

— Lisez donc ceci…

Et Rodin tira de sa poche une lettre qu’il remit à M. Hardy.

Jetant alors seulement et pour la première fois les yeux sur M. de Blessac… le fabricant recula d’un pas… épouvanté de la pâleur mortelle de cet homme qui, pétrifié de honte, ne trouvait pas une parole, car il était loin d’avoir l’audacieuse effronterie de sa trahison.