Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 5-6.djvu/645

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oh ! bien malheureusement fatales, Djalma a pu apprécier la rare valeur de cette belle âme.

— Tu as raison, ceci est plus grave que je ne le pensais.

— Vous n’avez pas l’idée des ravages que fait cette passion chez cet enfant ardent et indomptable ; quelquefois, à son abattement douloureux succèdent des entraînements d’une férocité sauvage. Hier, je l’ai surpris à l’improviste, l’œil sanglant, les traits contractés par la rage ; cédant à un accès de folle fureur, il criblait de coups de poignard un coussin de drap rouge, en s’écriant d’une voix haletante :

« — Ah !… du sang… j’ai son sang…

« — Malheureux ! lui dis-je, quel est cet emportement insensé ?

« — Je tue l’homme, » me répondit-il d’une voix sourde et d’un air égaré. C’est ainsi qu’il désigne le rival qu’il croit avoir.

— C’est en effet quelque chose de terrible qu’une telle passion… dans un pareil cœur, dit le vieillard.

— D’autres fois, reprit le maréchal, c’est contre mademoiselle de Cardoville que sa rage éclate ; d’autres fois, enfin, contre lui-même. J’ai été obligé de faire disparaître ses armes, car un homme venu de Java avec lui, et qui lui paraît fort attaché, m’a prévenu qu’il le soup-