Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 7-8.djvu/103

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chevilles. Son long cafetan d’étoffe brochée noir, or et pourpre, était serré à sa taille et à ses poignets par d’autres larges cercles de métal aussi dorés. Ce sombre costume donnait au dompteur de bêtes une physionomie plus sinistre encore. Sa barbe épaisse et jaunâtre tombait à grands flots sur sa poitrine, et il enroulait gravement une longue pièce de mousseline blanche autour de sa calotte rouge. Dévot prophète en Allemagne, comédien à Paris, Morok savait, comme ses protecteurs, parfaitement s’accommoder aux circonstances.

Assis dans un coin de la loge et le contemplant avec une sorte d’admiration stupide, était Jacques Rennepont, dit Couche-tout-nu. Depuis ce jour où l’incendie avait dévoré la fabrique de M. Hardy, Jacques n’avait pas quitté Morok, passant chaque nuit dans des orgies dont l’organisation de fer du dompteur de bêtes bravait la funeste influence.

Les traits de Jacques commençaient, au contraire, à s’altérer profondément ; ses joues creuses, sa pâleur marbrée, son regard parfois hébété, parfois éclatant d’un sombre feu, trahissaient les ravages de la débauche ; une sorte de sourire amer et sardonique effleurait presque continuellement ses lèvres desséchées. Cette intelligence autrefois vive et gaie luttait