Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 7-8.djvu/110

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moi qui vous le dis… l’Anglais gagnera son pari ce soir…

— Sors d’ici, brute… ne me romps pas la tête de tes prédictions de malheur, s’écria Morok, et va préparer le collier de la Mort.

— Allons, chacun son goût… Vous voulez que la panthère vous goûte, dit le géant en sortant pesamment après cette plaisanterie.

— Mais puisque tu as ces craintes, dit Couche-tout-Nu, pourquoi ne dis-tu pas que la panthère est malade ?

Morok haussa les épaules, et répondit avec une sorte d’exaltation farouche :

— As-tu entendu parler de l’âpre désir du joueur qui met son honneur, sa vie, sur une carte ? Eh bien ! moi aussi… dans ces exercices de chaque jour où ma vie est en jeu, je trouve un sauvage et âpre plaisir à braver la mort devant une foule frémissante, épouvantée de mon audace… Enfin, jusque dans l’effroi que m’inspire cet Anglais, je trouve quelquefois malgré moi je ne sais quel terrible excitant que j’abhorre et que je subis.

Le régisseur, entrant dans la loge du dompteur de bêtes, l’interrompit.

— Peut-on frapper les trois coups, M. Morok ? lui dit-il. L’ouverture ne durera que dix minutes.