Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 7-8.djvu/222

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— Oui, ils piquent une tête dans un lit de chaux.

— Où ils font la planche, c’est le cas de le dire.

— Ah ! c’est pour le coup qu’on la suivrait les yeux fermés… la voiture de la mort… C’est pire qu’à Montfaucon.

— C’est vrai… Ça sent le mort qui n’est plus frais, dit le carrier en faisant allusion à l’odeur infecte et cadavéreuse que ce funèbre véhicule laissait après lui.

— Ah ! bon !… reprit Ciboule, voilà l’omnibus de la mort qui va accrocher la belle voiture ; tant mieux… Ces riches, ils sentiront la mort.

En effet, le fourgon se trouvait alors à peu de distance et absolument en face de la berline qu’il croisait ; un homme en blouse et en sabots conduisait les deux chevaux de volée, un soldat du train menait l’attelage de timon.

Les cercueils étaient entassés en si grand nombre dans ce fourgon que son couvercle demi-circulaire ne fermait qu’à moitié, de sorte qu’à chaque soubresaut de la voiture, qui, lancée rapidement, cahotait rudement sur le pavé très-inégal, on voyait les bières se heurter les unes contre les autres.

Aux yeux ardents de l’homme en blouse, à son teint enflammé, on devinait qu’il était à moitié ivre ; excitant ses chevaux de la voix,