Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 7-8.djvu/543

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péré, n’était plus reconnaissable. Une teinte livide ne ternissait plus l’or pâle de son teint mat et transparent. Ses larges prunelles, naguère voilées comme le seraient des diamants noirs par une vapeur humide, brillaient alors d’un doux éclat au milieu de leur orbe nacré ; ses lèvres, longtemps pâlies, étaient devenues d’un coloris aussi vif, aussi velouté, que les plus belles fleurs pourpres de son pays.

Tantôt, interrompant sa marche précipitée, il s’arrêtait tout à coup, tirait de son sein un petit papier soigneusement plié, et le portait à ses lèvres avec une folle ivresse ; alors ne pouvant contenir les élans de son bonheur, une espèce de cri de joie, mâle et sonore, s’échappait de sa poitrine, et d’un bond le prince était devant la glace sans tain qui séparait le salon de la serre chaude où, pour la première fois, il avait vu mademoiselle de Cardoville.

Singulière puissance du souvenir, merveilleuse hallucination d’un esprit dominé, envahi, par une pensée unique, fixe, incessante : Bien des fois Djalma avait cru voir, ou plutôt il avait réellement vu, l’image adoré d’Adrienne lui apparaître à travers cette nappe de cristal ; et bien plus, l’illusion avait été si complète que, les yeux ardemment fixés sur la vision qu’il évoquait, il avait pu, à l’aide d’un pinceau im-