Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 7-8.djvu/91

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apprendre le bonheur qu’il attendait, le lui feraient du moins pressentir, Adrienne, écoutant le conseil de M. de Montbron, était allée à la promenade dans sa voiture à elle, afin de bien constater aux yeux du monde qu’elle était bien décidée, malgré les bruits perfides répétés par madame de Saint-Dizier, à ne rien changer dans sa résolution de vivre seule et d’avoir sa maison.

Adrienne portait une petite capote blanche à demi-voile de blonde, qui encadrait sa figure rose et ses cheveux d’or ; sa robe montante de velours grenat disparaissait presque sous un grand châle de cachemire vert. La jeune marquise de Morinval, aussi fort jolie, fort élégante, était assise à sa droite ; M. de Montbron occupait en face d’elles deux le devant de la calèche.

Ceux qui connaissent le monde parisien, ou plutôt cette imperceptible fraction du monde parisien qui, pendant une heure ou deux, s’en va par chaque beau jour de soleil aux Champs-Élysées pour voir et pour être vue, comprendront que la présence de mademoiselle de Cardoville sur cette brillante promenade dût être un événement extraordinaire, quelque chose d’inouï.

Ce que l’on appelle le monde ne pouvait en croire ses yeux en voyant cette jeune fille de dix-huit ans, riche à millions, appartenant à la plus haute noblesse, venir pour ainsi dire